Sympetrum vicinum (Hagen 1861)

Sympetrum vicinum (Hagen 1861)

Le sympétrum tardif

Par Titouan EON-LE-GUERN et Ly-Anne HAMEL

Édité par Étienne Normandin

Photo d'un Sympetrum vicinum, creative common
Photo d’un Sympetrum vicinum, creative common
Figure 1 : Photographie d'un Sympetrum vicinum capturé à la Station biologique des Laurentides le jeudi 03 septembre 2015
Figure 1 : Photographie d’un Sympetrum vicinum capturé à la Station biologique des Laurentides le jeudi 03 septembre 2015

I- Identification du spécimen et morphologie

L’identification de notre spécimen a été possible grâce à la clé d’identification des libellules du Québec (Adrien Robert, 1963).

Tout d’abord, il faut distinguer deux sous-ordres dans l’ordre des Odonates : les anisoptères et les zygoptères. On peut les reconnaître grâce à la position et à la taille de leurs ailes. En effet, les zygoptères possèdent des ailes antérieures et postérieures de forme et de taille semblables qui, au repos, sont repliées l’une contre l’autre. Les anisoptères, quant à eux, ont des ailes postérieures plus larges à la base que leurs ailes antérieures. La figure 1 montre bien qu’il s’agit d’un insecte du sous-ordre des anisoptères.

Le triangle des ailes antérieures et le triangle des ailes postérieures n’ont pas la même orientation spatiale. De plus, la distance entre l’arculus et le triangle des ailes antérieures est plus grande que celle des ailes postérieures. Les nervures antodénales forment également des lignes continues, symétriques par rapport à la nervure sous-costale.

Figure 2 : Photographie des ailes antérieures et postérieures de Sympetrum vicinum
Figure 2 : Photographie des ailes antérieures et postérieures de Sympetrum vicinum

Le triangle des ailes antérieures à une forme étroite. L’angle anal des ailes postérieures est arrondi chez le mâle comme chez la femelle et il n’y a pas d’auricule. La courbure anale de l’aile postérieure est de la forme d’une botte. Les ailes sont transparentes sans reflet métallique. Il s’agit donc de la famille des Libellulidés.

Figure 3 : Photographie des ailes de Sympetrum vicinum afin de montrer où se trouvent la courbure anale et l'angle anal
Figure 3 : Photographie des ailes de Sympetrum vicinum afin de montrer où se trouvent la courbure anale et l’angle anal

La branche de la médiane M2 n’a pas de sinuosité vers son milieu et sur les ailes postérieures la première nervure cubitale (Cu1) commence à l’angle caudal du triangle. De plus les ailes sont colorées en brun à leur base et sont entièrement hyalines.

Figure 4 : Emplacement des nervures M2 et Cu1 sur l'aile postérieure de Sympetrum vicinum
Figure 4 : Emplacement des nervures M2 et Cu1 sur l’aile postérieure de Sympetrum vicinum

On peut aussi remarquer que la face de notre spécimen est brune et jaune. Il s’agit donc du genre Sympetrum.

Figure 5 : Photographie de la tête de Sympetrum vicinum
Figure 5 : Photographie de la tête de Sympetrum vicinum

Les côtés du thorax de la libellule sont rouges et le bord ventral des appendices anaux supérieurs n’ont pas de dents. Il s’agit donc de Sympetrum vicinum.

Figure 6 : Photographie du thorax de Sympetrum vicinum
Figure 6 : Photographie du thorax de Sympetrum vicinum
Figure 7 : Photographie des appendices anneaux de Sympetrum vicinum
Figure 7 : Photographie des appendices anneaux de Sympetrum vicinum

II- Classification

Notre spécimen appartient à l’espèce Sympetrum vicinum selon la classification suivante:

Règne: Animalia

Embranchement: Arthropoda

Sous-embranchement: Hexapoda

Classe: Insecta

Ordre: Odonata

Sous-ordre: Anisoptera

Famille: Libellulidae

Genre:Sympetrum

Espèce: Sympetrum vicinum (Hagen, 1861)

 

III- Habitat

Sympetrum vicinum est l’une des espèces d’anisoptères les plus nombreuses en Amérique du Nord. Au Québec, elle est principalement trouvée au sud où se situent les érablières à caryer cordiforme et à tilleul. Les basses terres du Saint-Laurent en sont donc très peuplées (Savard, 2013).

Elle favorise comme habitat des emplacements où la nourriture est abondante pour les larves. Selon une étude de l’odonatofaune du parc national de la Yamaska effectuée en 2005, les Sympetrum vicinum étaient présentes autour du réservoir Choinière, du ruisseau Fleurant-Messier, de l’étang à castor, des mares (peu ou très eutrophiées) et des champs en friche. En revanche, elles étaient absentes de la rivière Yamaska Nord, témoignant de la nécessité d’un courant faible ou absent pour leur développement (Perron et al, 2005). Cette espèce est donc qualifiée d’ubiquiste puisqu’elle peut habiter plusieurs types d’habitat autour de plans d’eau calme. Bien que la végétation aquatique ne semble pas avoir d’incidence sur la présence de ces anisoptères, ces biotypes ont en commun une végétation terrestre très dense. En fin de journée, ces libellules peuvent ainsi se poser sur certains arbustes (Kalmia angustifolia, Viburnum cassinoides, Alnus incana ssp. rugosa) ou sur des branches et des troncs d’arbre ensoleillés (Savard, 2013).

 

IV- Alimentation

Les larves de Sympetrum vicinum se trouvent au fond des lacs et des étangs. Elles attaquent les proies qui passent à proximité. Les adultes, quant à eux, se posent sur la végétation et attendent que de petits insectes volants passent près d’eux. C’est alors qu’ils s’envolent et partent à la poursuite de leur proie (Corbet, 1999). Préférant des insectes d’une grandeur de 2mm, ces libellules peuvent toutefois se rabattre sur de plus grands spécimens (3-5 mm) lorsque la rigueur de l’automne affecte la population de proies

 

V- Cycle de vie

Les Odonates ont une métamorphose incomplète (hémimétabole) : leur cycle vital se fait en trois étapes différentes : l’œuf, la larve et l’adulte. La durée de vie d’un sympétrum tardif n’excède pas un an.

Les oeufs éclosent au début du printemps quand la température de l’eau atteint 10°C. Le stade larvaire n’a lieu qu’au printemps et à l’automne. Après la mue, la larve grandit et change de couleur. Ce processus dure environ une heure. Après plusieurs mues, Sympetrum vicinum montre des signes de sa forme finale. Un individu met entre une et sept semaines avant d’atteindre la forme adulte à partir du début du mois de juin. Dès ce moment, la libellule n’a que deux buts : manger et se reproduire. Le stade pré-reproductif (ténéral) peut durer entre trente et quatre-vingt-sept jours selon la zone où on trouve les individus. Une fois la maturité sexuelle atteinte, les libellules cherchent un partenaire, pondent des oeufs puis meurent peu de temps après. (Corbet, 1999)

L’adulte de Sympetrum vicinum a une période d’activité de vol parmi les plus tardives, débutant au plus tôt à la fin juillet et pouvant s’étirer jusqu’en début novembre. À la fin de cette période, l’accouplement et la ponte peuvent encore avoir lieu dans certaines flaques d’eau ensoleillées où le vent est doux, alors que d’autres ont déjà commencé à geler (Perron et al, 2007). Cette tardiveté est permise par des adaptations physiologiques telles que la faible température minimale nécessaire à leur vol ainsi que leur digestion plutôt rapide à température basse. De plus, un postural leur permet de conserver une température corporelle stable jusqu’à un minimum de 10 degrés Celsius (May, 1998).

 

VI- Reproduction

La fécondation se fait en vol après que le mâle ait identifié une femelle de la même espèce. Le sperme est alors inséré dans la femelle. Après la fécondation, le mâle et la femelle demeurent attachés ensemble en tandem. Lorsqu’elle est à la recherche d’un lieu de ponte, une paire de libellules peut être attirée par la présence d’autres paires, suggérant une attraction mutuelle entre elles qui n’affecte pas l’efficacité de la ponte. Cette présence témoigne également de l’absence de prédateurs dans les environs (McMillan, 2000). La ponte se fait par la femelle lorsqu’elle trempe la pointe de son abdomen à la surface d’un plan d’eau. Ce n’est qu’à ce moment que les deux pièces génitales se détachent l’un de l’autre (Corbet, 1999).

 

VII- Écologie

Selon une étude effectuée en 2013 sur les odonates du Lac-Saint-Jean, la population de Sympétrum tardif située la plus au nord a été répertoriée dans le parc national de la Pointe-Taillon (PNPT). Ces chercheurs ont avancé que son aire de répartition devait être plus étendue il y a 6000 à 7000 ans, alors que le climat était plus clément. Le refroidissement de la région ainsi que la formation de tourbières acides auraient causé un isolement de la population. C’est dans l’habitat du castor qu’elle a toutefois trouvé refuge, puisque ce mammifère «régule le débit des cours d’eau, tamponne les apports acides, augmente la température de l’eau en aval des étangs, éclaircit le couvert forestier et crée une variété d’habitats humides» (Savard, 2013). Cette coexistence a donc été primordiale à la survie des Sympetrum vicinum dans la région.

Bibliographie

  1. Corbet, P. (1999). Dragonflies : Behavior and Ecology of Odonata. Ithaca, New York: Cornell University Press.
  2. May, M. L. (1998). Body temperature regulation in a late-season dragonfly, Sympetrum vicinum (Odonata: Libellulidae). Dans International Journal of Odonatology (Vol. 1, p.1-13). New Jersey : Taylor & Francis Group.
  3. McMillan, V. E. (2000). Aggregating Behavior During Oviposition in the Dragonfly Sympetrum vicinum (Hagen) (Odonata: Libellulidae). Dans The American Midland Naturalist (Vol. 144, p. 11-18). New York: University of Notre Dame.
  4. Perron, J.-M. & Ruel, Y. (2007). Saison de vol des Odonates du Territoire du marais Léon-Provancher, Neuville, division de rencensement de Portneuf (Québec). Dans Le Naturaliste canadien (Vol. 126, n.2, p.13-17). Québec : GID.
  5. Perron, J.-M., Jobin, L.-J. & Mochon, A. (2005). Odonatofaune du parc national de la Yamaska, division de recensement de Shefford, Québec. Dans Le Naturaliste canadien (Vol 129, n.2, p.17-25). Société Provancher d’histoire naturelle du Canada.
  6. Robert, A. (1963). Les libellules du Québec. Station biologique du Mont Tremblant, Service de la recherche, Ministère de la chasse et des pêcheries.
  7. Savard, M. (2013). Inventaire automnal des odonates au Saguenay-Lac-Saint-Jean : découverte d’une population du sympétrum tardif. Dans Le Naturaliste canadien (Vol. 137, n.1, p.25-32). Société Provancher d’histoire naturelle du Canada.
  8. Worthington, A., Haggert, K. & Loosemore, M. (2005). Seasonality of prey size selection in adult Sympetrum vicinum (Odonata : Libellulidae). Dans International Journal of Odonatology (Vol.8, n.1, p.169-176). NY: Taylor & Francis Group.
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